Note d'intention
J'ai faim!
Comment ne pas penser à ce que veut dire « pauvreté » dans notre occident si « évolué », quand dans des villes comme Paris, pas 30 mètres ne se font sans croiser un mendiant.
Je n'étais pas d´accord pour assimiler les notions de « faim », de « pauvreté extrême » et de « malnutrition » uniquement aux terres « tiers-mondistes ».
J'ai refusé jusqu'à maintenant d'entreprendre des voyages touristiques dans certaines régions africaines ou asiatiques, de peur d'être confrontée à une pauvreté telle, que mon niveau de vie, pourtant éloigné de tout luxe, pourrait passer pour un amas de richesses insultantes, au regard de tous ces gens qui n'ont rien, même pas de quoi se nourrir au jour le jour.
La vérité c'est que même si la misère n'est pas la même que là-bas, notre Europe nous offre tous les jours le triste spectacle de la pauvreté. La rue c'est une chose. Mais la pauvreté est loin d'être une histoire de visibilité, et la plupart des personnes faisant partie des 17% d'européens vivant sous le seuil de pauvreté restent souvent discretes, rongées par la honte d'être pauvres dans une société si riche et si consumériste.
Avec J'ai faim ! je voulais aller à la rencontre de ces hommes et ses femmes qui ne peuvent subvenir seuls aux besoins les plus naturels : se nourrir et avoir un toit. Faire ce travail, c'est se rendre compte qu'avoir faim quand on est pauvre, cela ne concerne pas seulement la nourriture, mais c'est aussi une faim de reconnaissance, de savoir, de partage, de culture, de tant de choses auxquelles on a pas accès lorsqu'on est confronté à l'exclusion sociale.
Je suis allée voir différentes personnes, souffrant de la faim et de la pauvreté de différentes manières et à différents niveaux. Je suis allée voir les différentes structures qui oeuvraient pour ces personnes : épiceries solidaires, centres d'hébergement d'urgence, restaurants sociaux, associations…
Ceci est la première motivation du projet, la deuxième étant de démontrer le paradoxe dans lequel cette situation se produisait…Avoir faim aujourd´hui et être si pauvre dans une société où les denrées alimentaires et les loisirs sont produits, consommés et gaspillés à outrance.
Et parce que je ne suis pas d´accord avec ce système là, parce que je crois que plus on tend vers le luxe, l'excès et la sur-consommation, plus il y aura à l'inverse des problèmes de pauvreté et de malnutrition, alors je donne aussi à travers les quelques documents présents, ma vision, peut être utopique pour certains, des solutions viables en matière de production et consommation alimentaires. Et pour moi, elles s'appellent « production locale », « agriculture urbaine » ou encore « agriculture biologique ». Un jour peut être, dans un autre projet, je vous parlerai de ce que je pense de la décroissance ou encore de l'obsolescence programmée.
Mathilde Bouvard
Ps : il n'y a pas de polyptyque sur Berlin, simplement parce que originellement, je voulais photographier le Berlin que je connaissais et que j'aimais. Un Berlin où il n'y avait pas de gens à la rue, où des Vokü ( repas collectifs à très bas prix ) étaient organisées pour tous et où la solidarité était très présente.
Mais la gentrification est arrivée d'un coup avec ses grands sabots ; en janvier 2010, j'ai vu pour la première fois des gens dormir dehors dans mon quartier : Friedrichshain, et cela m'a simplement dégoûtée, disons le mot. Est-ce cela le progrès économique ? Embourgeoiser une ville, augmenter les loyers, le coût de la vie et faire naître des situations telles que des gens dormant dans la rue par - 20 °c car tous les squats ferment les uns après les autres ?
Ne soyons donc pas si snobs…